Blog de Laurent Bloch
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Un film japonais de Matsumoto Toshio (1969)
Les Funérailles des roses
Article mis en ligne le 24 février 2019

par Laurent Bloch

Vous êtes las des fictions naturalistes jouées et tournées par dessous la jambe, comme Deux fils. L’académisme bien-pensant de L’Ordre des médecins vous laisse tiède. Le filon de Bienvenue chez les Ch’tis et de Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ?, trop exploité, vous fait bailler. Alors changez carrément de registre en allant voir Les Funérailles des roses (Bara no sôretsu), tourné en 1969 par Matsumoto Toshio, et inédit en France jusqu’à cette semaine.

Le travesti Eddie, interprété par Peter (de son vrai nom Ikehata Shinnosuke), est la drag queen la plus populaire du bar gay Le Genet, ainsi nommé en référence à Jean Genet. Le film est d’ailleurs plein de références à la culture française, de Déodat de Séverac à René Daumal, à commencer par les vers de Baudelaire en exergue :

Je suis la plaie et le couteau !
Je suis le soufflet et la joue !

La sous-maîtresse du Genet, Leda, un travesti sur le retour, est jalouse d’Eddie, qui effectivement couche avec Gonda, son amant, proxénète et trafiquant de drogue (interprété par Tsuchiya Yoshio, un des Sept samouraïs de Kurosawa Akira, cependant que le rôle de Leda est tenu par Ogasawara Osamu). Au fil d’une narration désarticulée, interrompue de séquences documentaires, de ruptures chronologiques et de digressions diverses, nous apprenons le drame sanglant du passé d’Eddie, transposition du mythe d’Œdipe, évoqué par la présence de l’affiche du film de Pasolini Œdipe roi. Mais on peut penser à d’autres films de l’avant-garde européenne des années 1960, L’Année dernière à Marienbad, Vivre sa vie ou Bande à part. Les images en noir et blanc assez dur, les cadrages, le montage sont magnifiques, je vous conseille la bande-annonce pour vous faire une idée, surtout si vous envisagez d’aller voir le film avec vos petits-enfants (mauvaise idée à mon avis).

En un temps où il n’y a plus d’avant-garde, où même cette idée est repoussée avec dédain, et où plus personne ne se soucie d’expérimenter des choses vraiment à contre-pied de l’académisme plan-plan, les Funérailles des roses font souffler un air salubre sur le conformisme sentencieux et moralisateur de ce début de millénaire.


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