Ce film de Jeanne Herry aborde le thème de la Justice Restaurative, qui confronte des auteurs d’infractions à des victimes. Les victimes, sauf exception, ne sont pas mises en présence de leurs agresseurs, mais d’auteurs d’agressions similaires, braquages, vols à l’arrachée, homejacking. Seule une victime de viol incestueux demande (et obtient) une confrontation avec l’auteur du crime, afin d’établir des conventions qui lui permettront de ne jamais le rencontrer dans la ville où ils habitent tous les deux. Ce n’est pas un documentaire, les rôles des délinquants et des victimes sont joués par des acteurs (excellents), Adèle Exarchopoulos, Leïla Bekhti, Jean-Pierre Darroussin, Dali Benssalah, Miou-Miou, Birane Ba, Denis Podalydès, Gilles Lellouche, Élodie Bouchez. En voyant le film on comprend qu’un documentaire n’aurait pas été possible, il aurait été indécent et d’ailleurs impossible de filmer des confrontations réelles. Mais le scénario et les dialogues ont été écrits très visiblement à partir d’une documentation solide, sûrement des entretiens avec les professionnels et surtout les bénévoles de la Justice Restaurative, puisque cette institution créée en 2014 repose essentiellement sur des bénévoles, qui prennent d’ailleurs des risques moraux considérables...
Ce qui frappe, c’est l’écart entre les effets ravageurs que l’agression a commis sur la personnalité des victimes, et la faible conscience qu’en ont les perpétrateurs. Depuis qu’un voyou lui a arraché son sac, en la traînant derrière son scooter sur plusieurs mètres, puis en la frappant à coups de pied, Sabine n’ose plus sortir de chez elle, même pour aller voir ses petits-enfants, ce qui crée une mésentente avec son fils. Depuis que la supérette où elle était caissière a été braquée, Nawelle ne peut plus travailler, ne sort plus de chez elle, même pour aller au spectacle de l’école de sa fille, ce qui détruit les relations avec son mari et ses enfants. Depuis que les cambrioleurs se sont introduits chez lui et l’ont ligoté ainsi que sa fille afin de récupérer les cartes bancaires, Grégoire est perclus de culpabilité, son entreprise a chaviré, sa femme l’a quitté.
Les délinquants, Nassim, Issa, et Thomas, condamnés pour vols avec violence, au début, semblent prendre à la légère les dommages qu’ils ont infligés. Pour eux, contraindre la caissière de la supérette qu’ils braquent à se mettre à plat ventre sous la caisse, braquer un revolver sur la tempe du fils d’une femme qui ne veut pas livrer son numéro de carte bancaire, ce n’est pas bien grave. C’est au fil des rencontres, parfois houleuses, qu’ils finissent par comprendre, et qu’ils essaient de réconforter les victimes. Bien sûr, pour l’entrevue de Chloé avec son frère violeur, il n’y a ni pardon ni réconfort : que serait-il arrivé à Judith, la bénévole qui l’avait organisée, si Chloé s’était suicidée ensuite ? Avant l’entrevue, le violeur voulait aussi le pardon.
La scène pour moi la plus terrible du film : quand le violeur de sa petite sœur démonte la gâche du verrou de la salle de bain pour l’empêcher de lui échapper.
Nous avons vu ce film en avant-première à Poitiers, il sort aujourd’hui en salle, vous devriez y aller.