Blog de Laurent Bloch
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Un film de Ferenc Török d’après une nouvelle de Gábor T. Szántó
La juste Route
Il ne s’est rien passé en Europe de 1939 à 1945 (titre original du film : 1945)
Article mis en ligne le 23 février 2018

par Laurent Bloch

La scène est dans un village de Hongrie, à une heure de marche de la gare par un chemin de terre, en août 1945. L’aviation américaine vient de bombarder Hiroshima et Nagasaki, l’armée soviétique entre en Mandchourie. La population du village se partage entre ceux qui choisissent de seconder l’occupant soviétique et ceux qui louvoient pour éviter son hostilité. La noce du fils du notaire, également secrétaire de mairie, se prépare. L’action entière, filmée en noir et blanc très acéré, se déroule en trois heures : un train arrive, s’arrête, dépose quelques voyageurs, repart, trois heures plus tard il revient dans l’autre sens, s’arrête, quelques voyageurs montent, le train repart. Entre temps, toute la société du village aura été mise sens dessus dessous.

Parmi les voyageurs qui descendent du train au début du film, dans un climat qui rappelle Il était une fois dans l’Ouest (observation perspicace de Béatrice Delesalle) deux suscitent la fébrilité du chef de gare : ce sont deux juifs, le père et le fils, munis de deux lourdes malles qu’ils font charger sur une charrette. Pendant ce temps le chef de gare prend son vélo et fonce prévenir tout le monde au village : des juifs arrivent, on ne les connaît pas mais ce sont peut-être des parents des Pollack, qui ont été déportés, ou des héritiers, ils viennent sans doute pour se venger. Dans leurs malles il y a sûrement des parfums et des produits de beauté, au prix de gros. Et ils vont sûrement vouloir reprendre les maisons des juifs déportés, que leurs voisins se sont appropriées.

Rapidement c’est la panique. L’ivrogne du village raconte à qui veut l’entendre que sa femme et le notaire l’ont poussé à dénoncer les Pollack, dont il occupe maintenant la maison. Le fils du notaire est dégoûté par ce qu’il apprend du comportement de son père, les préparatifs de noce tournent au vinaigre. Les soudards soviétiques se comportent... en soudards. Chacun dans son coin cherche à faire disparaître les preuves de spoliation, à cacher l’argenterie volée. Lorsque la charrette suivie des deux hommes entre dans le village, chacun craint qu’elle ne s’arrête devant « sa » maison.

Je ne dévoilerai pas la fin, poignante. Mais vous devriez aller voir ce film tant qu’il est à l’affiche.


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