Questions éditoriales
Après mon compte-rendu du Lénine, l’inventeur du totalitarisme de Stéphane Courtois, je ne pouvais me dérober au Mao : l’histoire inconnue de Madame Jung Chang et de son mari Jon Halliday. J’ai hésité entre le texte original et la traduction française, qui n’existe pas en édition électronique : j’ai reculé devant les deux fois 800 pages de Folio Histoire, et n’ai eu qu’à me féliciter de l’édition électronique en anglais, d’une lecture facile et agréable. Deux difficultés néanmoins à signaler : les références bibliographiques, regroupées en fin de volume, ne donnent pas la référence de chaque citation (auteur, titre, date, emplacement), ce qui en rend la vérification problématique, et écarte sans doute en grande partie ce livre du champ de l’histoire universitaire. Et la transcription des noms chinois, une vraie difficulté de toute façon, oscille entre le pinyin (non phonétique) et une translittération phonétique (anglophone...) ; heureusement Wikipédia est bonne fille et, avec un peu d’habitude du lecteur, retrouve presque tout le monde (l’index donne les deux transcriptions). Je vous donne ici ceux qui m’ont donné le plus de mal : Chang Kuo-tao, ou en pinyin Zhāng Guótāo, et Wang Ching-wei (Wāng Jīngwèi). Le lecteur aura trouvé tout seul Chou En-Laï (Zhōu Ēnlái). Je n’ai jamais retrouvé la Rivière Rouge, censément aux confins du Sichuan (Sétchouan dans les anciens atlas) et du Guizhou (Koeï-Tchéou), à l’est de la ville de Tucheng, et aux bords de laquelle l’armée dirigée par Mao a tendu pendant la Longue Marche une embuscade inutile à un seigneur de la guerre, et a essuyé une lourde défaite. La carte de l’article Longue Marche de Wikipédia est très schématique mais correspond bien au récit du livre.
Du rouge à la rage
« Mao Tsé-toung, qui pendant vingt-sept ans détint un pouvoir absolu sur un quart de la population du globe, fut responsable de la mort d’au moins soixante-dix millions de personnes en temps de paix, plus que tout autre dirigeant au XXᵉ siècle. » Ces premières lignes n’annoncent pas vraiment une hagiographie. Dans sa jeunesse des années 1960 Jung Chang avait chanté que Mao était « le soleil rouge qui resplendit dans nos cœurs », maintenant ce n’est plus du rouge mais de la rage [1]. Certes, si l’on rapporte le nombre d’assassinats à l’effectif de la population concernée, on pourra toujours dire que les khmers rouges ont fait plus, mais bon... Mao Tsé-toung [2] (1893-1976) fut un dictateur totalitaire particulièrement meurtrier, avec un cynisme exceptionnel.
Jeunesse d’un tyran faible
Mao Tsé-toung est né à Shaoshan, localité rurale de la province du Hunan, en Chine méridionale, dans une famille paysanne dont la prospérité s’était accrue par les talents commerciaux de son père, qu’il n’aimait pas. Toute sa vie il a parlé le dialecte local de Shaoshan, en lieu et place du pǔtōnghuà, la « langue commune », que son propre gouvernement a imposée au pays, aujourd’hui appelée le mandarin standard et langue officielle de la Chine continentale, de Taïwan et de Singapour (cf. les articles passionnants de Wikipédia sur les langues en Chine et la liste des langues chinoises, en désaccord mais le mieux est de consulter les deux). Mao n’était pas bon en langues ; en 1918 beaucoup de ses camarades saisirent l’occasion de partir en France, qui leur proposait les études et le séjour en échange d’une certaine quantité de travail manuel pour combler la pénurie de main d’œuvre consécutive à la guerre : Mao refusa, pour ne pas avoir à apprendre le français, et aussi pour éviter le travail manuel. En 1920 l’occasion se présenta à lui de partir en Russie, mais les cours de russe le rebutèrent.
C’est pendant l’adolescence de Mao, en 1911, que survint la révolution qui renversa l’empire mandchou qui dominait la Chine depuis 1644. Si la révolution n’apporta pas vraiment de solution à l’immense misère de la population rurale, elle enclencha une série de réformes libérales, la liberté d’association et de la presse, l’abolition des examens impériaux d’accès au mandarinat, la construction de lignes de chemins de fer et d’industries modernes et, en ce qui concerne plus particulièrement Mao, la rénovation complète du système éducatif, avec l’enseignement des sciences, de l’histoire, de la géographie et des langues étrangères. Et le Hunan était à l’avant-garde de ce mouvement de libéralisation et d’ouverture intellectuelle, avec une centaine d’écoles secondaires modernes, dont certaines pour les filles, Changsha sa capitale, reliée à Shangaï par voie fluviale, était une place commerciale ouverte.
Anne Cheng et la pénétration de la pensée européenne en Chine
Anne Cheng, titulaire de la chaire « Histoire intellectuelle de la Chine » du Collège de France, nous a appris lors d’une conférence que dès la catastrophe de la première Guerre de l’Opium (1839-1842) un courant intellectuel était apparu en Chine qui comprenait qu’il était urgent de s’intéresser à la pensée, aux sciences et aux techniques européennes si la Chine ne voulait pas être écrasée. Mais ils rencontraient un obstacle : pour un Chinois de ce temps il était impensable d’apprendre une langue étrangère parlée par des barbares blancs. Le salut vint des Japonais, qui avaient compris la même chose, mais avec plus de suite dans les idées : ils apprenaient les langues et traduisaient tous les livres européens qui leur semblaient intéressants. Mais en quelle langue les traduisaient-ils ? en chinois bien sûr, pas en japonais, ce langage vulgaire destiné aux paysans et aux domestiques ; le chinois, au XIXe siècle et encore assez avant dans le XXe siècle, jouait au Japon un peu le même rôle que le latin en Europe jusqu’au XIXe siècle, comme on le voit dans le roman de Yukio Mishima Le Pavillon d’or. Et ces traductions donnèrent aux intellectuels chinois un accès à la pensée européenne.
L’époque était intellectuellement bouillonnante. Parmi les idées européennes, le communisme était entré en Chine. Mao, lecteur insatiable, ne pouvait manquer de le rencontrer, avec l’idée que pour créer une société nouvelle il fallait commencer par détruire l’actuelle, idée catastrophique de tous les totalitaires, qu’il n’allait que trop bien accomplir.
Naissance du parti communiste
En juin 1920 Mao rencontra le marxiste chinois le plus en vue du temps, le professeur Chen Duxiu (Ch’en Tu-hsiu). C’est en août 1920 que Chen, à l’instigation des Soviétiques et de leur organe le Komintern, convoqua la réunion fondatrice du Parti communiste chinois (PCC). Comme Mao n’y fut pas invité, l’histoire officielle date la fondation de son premier congrès, organisé sous la houlette du Komintern le 23 juillet 1921 à Shangaï, auquel Mao assistait parmi les 13 délégués (tous des intellectuels) qui représentaient les 57 membres du Parti.
C’était l’inauguration de la (longue) tutelle soviétique sur le PCC, qui avait une contrepartie : un flux financier. Chaque délégué au congrès avait reçu 200 yuans pour se rendre à Shangaï, ce qui représentait bien plus que les frais de déplacement réels, par exemple cette somme équivalait à deux ans de revenus de Mao, à cette époque gérant d’une librairie communiste à Changsha. Mao, qui révélera vite une certaine avidité financière (et sexuelle), sera jusqu’à la prise du pouvoir friand de ces financements, et habile à détourner ceux destinés à ses camarades ou au parti en général à son profit personnel, ainsi que les rapines issues des pillages de maisons de « réactionnaires ».
À la chute de l’empire mandchou le Kuomintang (Guomindang), parti nationaliste républicain fondé par Sun Yat-sen, accède au pouvoir avec une majorité aux premières élections. Mais le général Yuan Shikai, commandant en chef des forces armées, impose son arbitrage pour remplacer Sun à la présidence en 1912, après quoi il congédie le parlement, interdit le Kuomintang, tente de se faire proclamer empereur et finalement meurt en 1916, ce qui ouvre une période de troubles et de guerres civiles qui ne prendront fin qu’en 1949 avec l"établissement de la dictature communiste.
Après la rupture avec Yuan Shikai, Sun Yat-sen s’exile au Japon, puis revient en 1917 dans le sud de la Chine et fonde en 1921 un gouvernement révolutionnaire à Canton (Guangzhou), dans le but, qu’il n’atteindra pas, de réunifier le pays. À partir de cette époque le Kuomintang est très proche de l’Union soviétique, qui envoie des conseillers et stimule l’adhésion (ou l’infiltration) des communistes chinois dans le parti de Sun. C’est ainsi que Mao sera très proche de Wang Ching-wei (Wāng Jīngwèi, futur président du gouvernement chinois fantoche installé par les Japonais à Nankin (Nanjing), ce que les biographies officielles auront à cœur de passer sous silence). Mais Tchang Kaï-chek, dès cette époque le bras droit militaire de Sun, passe plusieurs mois en URSS en 1923, dont il reviendra secrètement mais farouchement anti-communiste, conviction qui se manifestera plus tard. Sun meurt en 1925, ce qui ne fait qu’ajouter à la confusion.
Rupture de Tchang Kaï-chek et manœuvres de Mao
En 1927 Tchang Kaï-chek rompt avec les communistes et massacre ceux qui lui tombent sous la main, surtout à Shangaï, ce qui fait le sujet du roman d’André Malraux La Condition humaine.
Cette rupture marque pour Mao le début d’une longue lutte pour la conquête du PCC et en fin de compte de la Chine. À cette date il ne possédait guère de responsabilités ni de troupes. Près de Nanchang, la capitale du Jiangxi, à l’est du Hunan, un contingent communiste de 20 000 hommes enrôlé dans l’armée nationaliste se mutina et prit la direction du port de Swatow (Shantou), dans l’espoir d’une livraison d’armes soviétiques. Mao manœuvra pour capter une partie de ces hommes afin de créer une « base rouge » et un « soulèvement paysan » dans le sud du Hunan, ce dont il a donné sa version dans le texte La Lutte dans les monts Tsingkang (Jinggang). Les monts Tsingkang étaient en fait une région isolée occupée par des bandits qui vivaient de razzias et de rançons, pratique rapidement adoptée par Mao et ses 600 hommes, avec en prime un supplément léniniste : des purges qui se terminaient toujours par des tortures et des exécutions sommaires. L’idéologie communiste nécessite un flux ininterrompu d’ennemis de l’intérieur, régulièrement démasqués, torturés, poussés aux aveux et assassinés, c’est la quatorzième des 21 conditions d’adhésion à l’Internationale communiste.
Entre la fin 1926 et le début de 1927 Mao entreprit une tournée d’inspection dans la campagne du Hunan (chapitre 4 de la première partie). C’est à cette occasion qu’il se découvre un goût pour le spectacle des humiliations, des tortures et des mises à mort infligées à de soi-disant « paysans riches » ou « propriétaires terriens » (un peu selon la même logique que la « dékoulakisation » soviétiques des années 1930). En effet les mouvements de révolte paysanne étaient tombés sous la coupe des individus les plus brutaux et les plus avides de vengeance, qui se livraient à ces exactions. Comme Mao l’écrit dans son rapport, « ils étaient devenus les seigneurs et les maîtres, et entre leurs mains les associations de paysans étaient devenues assez terrifiantes. [...] Leur mot d’ordre était : “Quiconque possède de la terre est un tyran, et ils sont tous mauvais”. [...] Ils faisaient régner la terreur dans la campagne. » Mao décrit avec approbation ces comportements, dans son rapport il écrit avoir ressenti « une sorte d’extase jamais éprouvée auparavant ». C’est à cette occasion qu’il décréta « la révolution n’est pas un dîner de gala [...] Il faut faire régner la terreur dans chaque district. » Tout en ne levant pas le petit doigt pour aborder la question la plus importante pour les paysans, celle de la redistribution des terres.
Passons sur quelques épisodes, tous assez similaires : pour supplanter ses rivaux au sein du parti, Mao lance des mouvements irresponsables et aventuristes, qui se traduisent par de nombreux morts dans son propre camp, mais qui d’une façon ou d’une autre éliminent un groupe rival ou un concurrent.
La « Longue Marche »
Vient une imposture de plus grande envergure : la Longue Marche. À partir de septembre 1933 les attaques du Kuomintang contre les territoires tenus par le PCC se font nettement plus efficaces que celles des quatre offensives précédentes, qui avaient échoué, avec un demi-million d’hommes mieux entraînés qu’auparavant et un conseiller militaire allemand de premier plan, Hans von Seeckt. La direction du parti décide un repli vers des zones plus à l’ouest, plus proches des territoires occupés par les Soviétiques, la Mongolie extérieure et le Sin-kiang (Xinjiang). À ce moment Mao se trouve au Jiangxi, où il est accompagné de deux hommes qui lui resteront fidèles toutes leurs vies, malgré les avanies qu’il leur fera subir : Zhu De (Chu Teh) et Zhou Enlai (Chou En-lai), qui mourront d’ailleurs presqu’en même temps que lui. Le parti, sur les ordres de Moscou, lui ordonne en octobre 1934 de mettre cap vers l’ouest, le Sichuan, pour y rejoindre le contingent de Zhang Guotao (Chang Kuo-tao).
La troupe de Zhang Guotao est quatre fois plus nombreuse que celle de Mao, mieux entraînée, mieux équipée, mieux nourrie, Zhang Guotao est un vrai chef militaire compétent, Mao n’a aucune envie de rejoindre ce rival auprès duquel il apparaîtra pour ce qu’il est : un agitateur politique retors mais minable, qui envoie ses hommes au casse-pipe pour augmenter son prestige personnel, en grande partie grâce à la mauvaise circulation de l’information dans un arrière-pays dépourvu de moyens de communication. Alors Mao va faire tourner sa troupe en rond, dans des régions montagneuses et peu hospitalières du Guizhou et du Yunnan, au prix de lourdes pertes par épuisement et maladie, cependant que lui, sa femme et ses affidés feront la plus grande partie du trajet sur des litières portées par des hommes du rang.
En fait ce périple erratique de la troupe de Mao s’est accompli sans aucun combat, à l’exception de l’embuscade inutile et désastreuse voulue par Mao et tendue à un seigneur de la guerre sans importance près de Tucheng, aux confins du Guizhou et du Sichuan. Le Kuomintang a surveillé de près cette pérégrination, mais sans l’attaquer, et ce semble-t-il pour deux raisons : Tchang Kaï-chek souhaitait maintenir de bonnes relations avec l’URSS parce qu’il était menacé par le Japon (ce souhait était d’ailleurs réciproque), et, motif plus personnel, son fils Tchang Ching-kuo était parti étudier à Moscou en 1925, et y était depuis retenu plus ou moins en otage (l’invasion japonaise prendra toute son ampleur en 1937). L’épisode soi-disant héroïque de la traversée du pont de Luding sur la rivière Dadu, le 31 mai 1935, sous le feu des mitrailleuses du Kuomintang, a été inventé de toutes pièces, de l’aveu même de Deng Xiaoping, présent au pont de Luding, lors d’un entretien avec Zbigniew Brzezinski, conseiller à la sécurité nationale du président des États-Unis Jimmy Carter.
Finalement Mao finira par converger avec Zhang Guotao au Sichuan, non sans lui avoir fait perdre du temps et des forces par ses atermoiements. Par des manœuvres d’appareil il réussira à être son supérieur politique, ce qui l’autorisera à lui donner des ordres délétères de marches dans des régions particulièrement difficiles géographiquement et militairement, où il perdra les trois quarts de ses troupes et sa position politique. L’objectif final est Yenan (Yan’an) au Shaanxi, qui dans la mythologie maoïste fut le lieu d’entretiens sur la culture et l’art, en fait des purges sanguinaires (plus de 10 000 assassinats précédés de tortures), et de luttes anti-japonaises, qui n’eurent jamais lieu. Cette ignominie établira durablement la mainmise de Mao sur le PCC.
Remarques d’un lecteur
Mon ami et lecteur Michel Volle m’adresse les observations suivantes :
« J’ai lu ton compte rendu du livre “Mao : l’histoire inconnue”.
“Cette lecture m’a rappelé les Philippiques de Cicéron.
“La critique de Mao porte en effet sur ses comportements : coureur de jupons, paresseux, menteur, etc.
“Tout cela est sans doute exact, mais les comportements ne sont que des indices - et s’ils sont révélateurs, que révèlent-ils ?
“Quels sont les désirs, préjugés, peurs et hantises de la personne considérée ? Cicéron n’a pas su le dire et, si ton compte rendu est fidèle (ce dont je ne doute pas) il en est de même des auteurs du livre sur Mao. »
Voici ce que je lui ai répondu :
Ton impression n’est pas fausse, le livre de Madame Chang et de son mari a été plutôt mal reçu par les historiens universitaires, et mon compte-rendu est sans doute lacunaire et incomplet. Mais ce qui caractérise l’itinéraire de Mao, c’est la mise à profit de ses travers de personnalité pour mener ses adversaires à la perte. C’est un véritable pervers, qui découvre très tôt que le spectacle de la souffrance des autres le fait jouir, et qui passera sa vie à organiser des massacres, de préférence en se tenant dans le rôle de spectateur.
Ses défauts de comportement seront plus que des travers, mais des instruments de conquête et d’exercice du pouvoir.
Hier j’ai vu le film “Rendez-vous avec Pol Pot”, de Rithy Panh : c’est le même type de personnalité, le même style d’exercice du pouvoir. Je te conseille ce film, même s’il ne fait pas vraiment passer un moment agréable. Sur ce sujet j’avais naguère écrit cet article.
Autres lectures
J’ai poursuivi ma lecture jusqu’à l’« incident » de Xi’an, où Mao avait tenté de manipuler le seigneur de la guerre Zhang Xueliang pour qu’il attire Tchang Kaï-chek dans un piège, le tue et en supporte seul les conséquences, et là l’écœurement m’a submergé, j’ai arrêté, mais que cela ne décourage pas le lecteur. D’autre part, pour connaître les crimes de la Révolution culturelle, il existe l’excellent ouvrage de Roderick MacFarquhar et de Michael Schoenhals La dernière révolution de Mao, plus conforme aux règles de l’histoire universitaire, sans oublier le livre moins complet mais précurseur de Simon Leys Les Habits neufs du Président Mao. Pour l’instant et pour me remettre du réquisitoire de Jung Chang et de Jon Halliday, je lis un roman passionnant qui envisage la terreur communiste sur un ton tout aussi tragique mais moins oppressant : Le Problème à trois corps de Liu Cixin, que je vous recommande (mise au point quelques jours plus tard : ce roman commence très bien, mais au moment où il s’égare dans les jeux vidéo j’ai abandonné).