ISSN 2271-3905
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La France est-elle en train de rater la troisième révolution industrielle, qui se joue autour de l’informatique et de l’Internet, et qui crée une nouvelle économie, l’iconomie ? Cette question a été posée par plusieurs articles de ce site (celui-ci ou celui-là par exemple), ainsi que par ceux de Michel Volle et de l’Institut Xerfi, entre autres. Pour ce qui est des pouvoirs publics, des grandes entreprises institutionnelles, de l’Éducation nationale, la réponse est malheureusement oui, trois fois oui, et chaque semaine apporte son lot de confirmations. Mais cet article voudrait citer des exemples contraires, qui montrent que notre pays possède, autant que les autres pays de l’OCDE, les ressources nécessaires au maintien de sa prospérité et du bien-être de sa population. Si ces ressources ne parviennent pas à produire l’effet de levier que l’on pourrait en attendre, il faudra sans doute en chercher les raisons du côté du contexte institutionnel et social, qui serait défavorable.
Existe-t-il donc des expériences positives ? Oui heureusement. Les opérateurs Internet Free, OVH et Gandi, pour ne citer que les plus importants, sont des entreprises en pointe dans leur domaine, où elles réussissent brillamment sans recruter à l’ENA ni à l’X et sans inspecteur des finances à leur CA, cela dit sans vouloir établir de lien de causalité. OVH est particulièrement admirable : créée il y a une quinzaine d’années par une famille d’immigrés polonais sans un sou de capital, elle est aujourd’hui un leader européen et même mondial, et pas sur un petit marché de niche, mais dans le domaine de l’informatique en nuage (cloud computing) et de l’hébergement de centres de données (datacenters), au cœur et à la pointe de l’iconomie. Cela dit, leur éloignement de ce que Pierre Bourdieu appelait la « noblesse d’État » les rend invisibles aux cercles du pouvoir, à tel point que le gouvernement envisage de subventionner à hauteur de 75 millions d’euros chacun deux projets de « cloud souverain », où l’on retrouve les spécialistes habituels de la captation de subventions et de marchés publics ou protégés, en concurrence avec ce que font déjà sans subvention OVH, Gandi et d’autres. Les bénéficiaires de ces subventions scandaleuses ont largement démontré, depuis des décennies, qu’ils ne savaient pas faire, mais par contre la composition de leur conseil d’administration est irréprochable : inspection des finances, X-Télécom et le reste.
Peut-on tenter une approche quantitative de la position de la France dans les technologies au cœur de l’iconomie ? Oui, certaines activités sont mesurables, je donne quelques pistes avec un article sur la participation par pays à l’écriture de RFC, et avec un autre sur les contributions par pays au noyau Linux.
Le fait de ne jamais avoir obtenu de subvention publique à l’innovation sur appels à projets européens, nationaux ou autre, sans doute devenir un bon critère de la capacité d’innovation d’une entreprise. :-(
Ce que tu écris vient confirmer de manière très éclairante deux choses : le poids des réseaux, le poids de la culture et des incultures de l’Etat - ces 2 éléments se confortant.
La technocratie à travers ses réseaux étouffe la démocratie de manière de plus en plus totalitaire à mesure que s’accroît la complexité de chaque action, de chaque domaine. On le voit clairement sur ton exemple OVH.
La réforme de nos sociétés est bloquée par les points aveugles des dirigeants politiques : l’informatique en est un, la réalité de l’environnement et de l’écologie en est un autre.
Contre les partis et associations - qui marquent leurs limites de quelque côté que l’on se tourne - vivent les collectifs capables au moins de contrer les inconduites des politiques.
Bonjour,
C’est terrible de voir ces spécialistes de la course aux subventions à l’oeuvre. On parle ici de l’iconomie mais il faut voir ce qui se passe pour le cinéma, le théâtre, la télévision. Et je dois en oublier.
La France peut-elle se reformer ?
A chacun sa réponse....
Cordialement,
PG
Que le cinéma soit subventionné ne me choque pas, à condition que ce soit à bon escient : après tout le mécénat fait partie des rôles normaux de l’État. D’ailleurs, les subventions sont parfois aussi légitimes dans le domaine industriel. La question, effectivement, est qu’à partir du moment où cela devient une rente pour certains acteurs, cela tue l’innovation. Il n’y a qu’à voir l’agriculture : la place de la France sur le marché mondial ne cesse de reculer, et les produits de l’agriculture biologique, pour lesquels la demande est en croissance, sont importés d’Italie et d’Espagne.
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