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De LaTeX à LibreOffice
Déchoir, survivre, retrouver goût à la vie
Article mis en ligne le 15 juin 2014
dernière modification le 2 juillet 2014

par Laurent Bloch

Misère typographique dans les SHS

Depuis un an et demi déjà je travaille avec des gens des Sciences humaines, sociales et politiques. Sur le plan intellectuel ce n’est pas sans intérêt, mais il m’est vite apparu que je ne pourrai pas échanger avec eux des textes en cours de rédaction en LaTeX. Peut-être aurait-ce été possible en les prenant jeunes, et si l’injonction était venue d’une autorité telle que celle de leur directeur de thèse, mais les gens avec qui je travaille ne sont plus d’un âge malléable, et ils n’ont connaissance que d’un seul moyen de créer des textes, de quelque nature qu’ils soient : Word de Microsoft.

J’ai bien essayé de suggérer l’usage de l’excellent logiciel d’annotation PDF PDFXChange, disponible sous Windows et qui fonctionne très bien sous Linux grâce à Wine. Ainsi j’aurais pu continuer à produire mes documents avec mon XeLaTeX favori et à les soumettre en PDF aux remarques et corrections de mes collègues, qui les auraient annotés avec PDFXChange. Mais j’ai vite compris qu’il me fallait y renoncer. Même le format Open Document de LibreOffice semblait trop demander. La mort dans l’âme, il me fallut me résoudre à l’infâme wysi(mol)wyg [1], par le truchement de LibreOffice en l’occurrence.

Les lignes qui suivent sont le récit de la façon dont j’ai réussi à surmonter cette mortification, et à produire des textes qui, sans être beaux (ne rêvons pas), ni même typographiquement corrects, peuvent être vus sans déclencher trop de désespoir.

Se complaire dans l’ignorance, ou essayer d’apprendre ?

Comme chacun sait, l’ennui avec les systèmes informatiques de toutes sortes, c’est qu’ils font ce qu’on leur demande, pas ce que l’on voudrait qu’ils fissent. L’ennui redoublé, avec certains logiciels supposés destinés au grand public, comme par exemple Word, c’est qu’ils sont conçus pour prévoir ce que devrait vouloir leur utilisateur. Et, par voie de conséquence, les logiciels libres qui ambitionnent de se substituer à Word adoptent le même principe de fonctionnement. Cette prétention à savoir mieux que moi ce que je voudrais est source de malentendu entre le logiciel et moi.

De surcroît, ainsi que l’explique Tom Nadeau dans son article Learning from Linux, la politique suivie par Microsoft pour faire évoluer ses logiciels de version en version consiste à toujours écouter ses utilisateurs les plus ignorants, ce qui entraîne un abêtissement progressif du logiciel, alors que les auteurs de logiciels libres, auxquels je suis plus habitué, sont affligés du défaut inverse, qui est de supposer à leurs utilisateurs une science infuse de ce qu’il faut faire. Bref, quand on est habitué à Emacs et (Xe)LaTeX, il est assez perturbant de se mettre à LibreOffice, d’autant plus que la version livrée par les dépôts Ubuntu est assez défectueuse, mieux vaut partir de la version du site officiel LibreOffice. Ainsi, si j’ordonne à LaTeX d’appliquer tel format à telle partie de mon texte, il exécutera la consigne impitoyablement, même si c’est idiot, alors que LibreOffice supposera mon idiotie et n’appliquera ma commande que partiellement, ce qui me fera trouver plus loin dans mon texte des parties à l’ancien format, et parfois il y aura des retours inattendus à l’ancien format, sans qu’il soit facile de deviner pourquoi. Il existe des feuilles de style, assez complètes, mais dont l’application ne semble pas très systématique, c’est assez inquiétant. Bon, cette expérience est sans doute le résultat de mon inexpérience avec ce logiciel et de l’incompétence qui en résulte.

Trois têtes de Cerbère : table, index, bibliographie

Comme le sait quiconque a composé un jour un document de quelque ampleur, les plus grandes difficultés sont pour fabriquer la table des matières, les index et la bibliographie. Avec les versions récentes de LibreOffice, il est possible de produire tables et index, après quelques tâtonnements dus au fonctionnement flou des feuilles de style, qui s’appliquent plus ou moins systématiquement. Pour la bibliographie tout le monde m’a dit qu’il fallait utiliser Zotero, et c’est un conseil que j’ai suivi docilement.

Zotero est un système de gestion de base de données bibliographique en nuage fourni par la fondation Mozilla comme une extension à Firefox. C’est assez bien conçu et raisonnablement utilisable, avec des greffons (plugins) pour intégration à LibreOffice ou OpenOffice qui permettent de créer une bibliographie dans un document et d’insérer des références aux ouvrages. Zotero sait importer des bases BibTeX et exporter sa base au format BibTeX, ce qui établit un pont avec la civilisation. Un grand nombre de feuilles de style sont disponibles, notamment pour les styles IEEE ou du manuel de Chicago, ainsi que pour des styles français. On trouve sur le site de la bibliothèque universitaire de Clermont-Ferrand un tutoriel Zotero assez bien fait, et surtout un guide intitulé « Zotero : personnaliser une feuille de style » très pratique, parce que les styles fournis ne sont jamais exactement ce que l’on voudrait qu’ils soient, et de toute façon il est plus agréable de savoir que l’on peut agir sur ce qui est produit.

Bref, je ne suis pas devenu un adepte enthousiaste de ces logiciels, mais je suis arrivé à en tirer quelque-chose qui ne me plonge pas dans la dépression quand je le regarde. Puisse mon expérience rendre espoir aux malheureux qui se trouveraient placés dans une situation douloureuse du même genre.