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Linux pour tous ?
Systèmes d’exploitation libres : pour un prosélytisme prudent
(ou de la prudence dans le prosélytisme)
Article mis en ligne le 11 novembre 2005
dernière modification le 7 septembre 2007

par Laurent Bloch

Un de mes amis qui sans être informaticien possède dans ce domaine une culture assez approfondie, puisque notamment il programme à ses heures, utilise déjà sous Windows un certain nombre de logiciels libres et n’hésite pas à faire usage de la ligne de commande
 [1]. La bonne réputation d’Ubuntu lui est venue aux oreilles et il m’a demandé si le moment n’était pas venu pour lui de franchir le pas et d’adopter Linux. Comme il était déjà en train d’apprendre à utiliser un autre logiciel libre assez difficile, je lui ai conseillé d’attendre, parce qu’à mon avis une trop grande accumulation de choses nouvelles à assimiler risquait de mener au découragement et à l’échec.

Après quelques échecs, je suis
devenu prudent dans mon prosélytisme linuxien. En effet,
aujourd’hui la question n’est plus celle de la présence ou de
l’absence de telle ou telle fonction, de la disponibilité de
tel ou tel logiciel : on peut tout trouver pour Linux. Mais
il reste deux obstacles difficiles à franchir, un qui est
anecdotique, l’autre qui est de fond.

L’obstacle de fond réside dans une différence irréductible de
conception entre Windows et Linux : Windows s’adresse à un
utilisateur qui ne veut rien savoir
, Linux à un utilisateur
qui ne veut rien faire sans comprendre quelles actions du
système sont déclenchées par ses propres actions. Je ne doute
pas un seul instant de l’appartenance de mon ami à la seconde de ces
populations, mais parfois l’exigence de compréhension peut
aller loin, et entrer en contradiction avec des impératifs,
d’emploi du temps par exemple. Se retrouver bloqué dans son
travail parce que le système d’impression n’est pas correctement
configuré, pour prendre un des incidents les plus courants
et les plus délicats à résoudre, peut rendre fou de rage.

L’obstacle anecdotique réside dans l’idiosyncrasie quelque
peu autiste et misanthrope de certains développeurs de logiciels
libres, qui crée des difficultés artificielles.

Parmi les difficultés arbitraires rencontrées :

 Lorsque l’on veut sauvegarder une
page HTML, Internet Explorer donne au fichier un nom significatif tiré du titre de
la page, ce qui semble raisonnable. Les toutes premières
versions de Mozilla faisaient de même, puis un débat a eu lieu,
cette pratique a été déclarée politiquement incorrecte, et désormais la
page est sauvegardée dans un fichier qui porte le même nom que
le fichier sur le serveur, c’est-à-dire, assez souvent, une
chose aussi significative que « index.html ». C’est très
gênant, surtout quand on est habitué à IE, et on ne voit
pas très bien en quoi c’est mieux.
 La configuration automatique des périphériques tels que clés
USB, cartes mémoire d’appareils photos et autres cartes WiFi
relève souvent du jeu de hasard, c’est assez déprimant : un
coup ça marche, le lendemain non. Idem pour le sous-système
d’impression. Évidemment, il y a toujours une raison, on a
toujours tort, mais que de temps passé. Avec Windows, cela
marche plus souvent, évidemment au prix de turpitudes sans
nom dans le système, éventuellement dangereuses pour son
intégrité, mais je ne suis pas sûr que les inconvénients
compensent les avantages. Avec Linux, j’estime que si j’ai
souvent des problèmes, un novice en aura plus que moi.
 La femme de ma vie se sert de son ordinateur essentiellement
pour taper des textes pour ses élèves (elle n’aime pas les
choix de textes des manuels, ni leurs exercices). Parmi ces
textes, des pièces de théâtre : taper une suite de répliques
avec leurs tirets est bien sûr possible avec OpenOffice, mais
j’ai mis une heure à trouver la méthode, avec le bouquin et
l’aide en ligne. Françoise hait OpenOffice, et ne l’utilisera
plus. Parce quand c’est à dix heures du soir pour le cours
du lendemain à 8h, et que je suis à 350 km... Il n’est pas évident qu’elle ait raison : quand je lui ai amené l’excellent manuel OpenOffice.org 1.1 efficace de Sophie Gautier, Christian Hardy, Frédéric Labbé et Michel Pinquier, elle m’a dit tout net qu’il était hors de question ne serait-ce que de consulter un livre de 300 pages pour savoir comment taper ses textes. Par là même elle se rangeait dans le camp de ceux qui ne veulent rien savoir parce qu’ils ne voient pas que l’informatique, loin d’être une simple technique, nous impose de modifier nos façons de penser et d’agir. Mais que ce camp est peuplé !
 Une catastrophe nous est tombée dessus : elle s’appelle UTF-8
et je prévois qu’elle va nous casser les pieds pendant des
années ; je lui réserve un article spécial tellement c’est grave. Je mentionnerai seulement ici un conseil pratique dont j’ai appris la teneur à mes dépens : s’il y a une norme à respecter dans ces affaires, c’est la norme POSIX pour la portabilité des noms de fichiers. Si vous créez sous Windows des fichiers dont les noms ne respectent pas cette norme, et que vous essayez de les lire sous Linux, ou l’inverse, je vous promets les pires déboires. En deux mots, pas de caractères composés dans les noms de fichiers, accents et cédilles proscrits ! Mais il y a aussi d’autres restrictions, allez voir la norme.

Et puis, le monde est configuré en fonction des logiciels
Microsoft, alors il y a des obstacles extérieurs, et comme ce monde se perçoit comme la majorité, ce sont toujours les autres qui doivent s’adapter, même quand ils ont raison contre la majorité. Un simple exemple dans le domaine de la sécurité, la gestion des certificats électroniques X509 : la plupart des logiciels utilisent une norme intitulée Public-Key Cryptography Standards (PKCS, voir aussi http://en.wikipedia.org/wiki/PKCS)... sauf les logiciels Microsoft, qui utilisent une méthode particulière, bien moins sûre, mais à laquelle tout le monde doit s’adapter.