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1  Le langage, facteur de cohésion et de désagrégation sociale

Un trait important de l'humanité est son usage d'un langage élaboré. L'importance du langage pour comprendre tout phénomène humain, et en particulier les difficultés de conception d'un système d'information, n'échappera à personne. Il y a peu prévalait encore l'idée que le langage était l'apanage exclusif de l'homme.Encore plus récemment son apparition était datée de l'apparition d'Homo sapiens, il y a à peu près 100 000 ans. Les paléo-anthropologues envisagent maintenant des hypothèses d'apparition beaucoup plus précoce du langage. Les primatologues et les éthologues ne cessent de mettre en évidence des compétences langagières de plus en plus élevées chez les singes et chez d'autres mammifères, pratiques qui dépassent largement les signaux qu'échangent les insectes collectifs et d'autres animaux. La question de l'hominisation, empêtrée dans la biologie, cède alors la place à celle de[116][88][80] l'anthropogenèse1.

L'acquisition par l'homme du langage et du pouvoir considérable qu'il confère par la combinaison infinie des symboles et les innovations qui peuvent en découler n'allait pas sans danger.

Dans les conditions de la vie préhistorique, la cohésion sans faille des groupes humains était un impératif vital. L'homme est un animal social dont chaque comportement est dirigé par le besoin de l'autre : l'irruption du langage mettait en danger ce lien social et rendait nécessaire l'invention de moyens nouveaux, langagiers, en fait, pour assurer que chaque membre du groupe utilise les mêmes combinaisons de signes pour exprimer les mêmes réactions aux mêmes phénomènes, et que l'élaboration symbolique ne crée pas de conflits ou de scissions, bref assurer l'unanimité du groupe autour de symboles communs combinés selon des conventions[40, 41][62] partagées2. C'est pourquoi le conformisme, qui nous apparaît aujourd'hui plutôt comme un défaut, a été pendant la plus grande part de l'histoire de l'humanité une règle de comportement vitale.


© copyright Laurent Bloch 2004
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